Déclaration liminaire USM au CSA-M
Vous trouverez ci-dessous la déclaration liminaire lue au CSA ministériel du 9 juillet. Au-delà des points à l’ordre du jour, nous avons souhaité aborder la question de la surpopulation carcérale et la position du garde des Sceaux sur cette question.
A la suite de cette lecture, les magistrats ont à nouveau été accusés par FO justice d’être les seuls responsables de la surpopulation carcérale en dédouanant toute responsabilité politique. Il nous a également été à nouveau reproché le drame d’Incarville, par ce même syndicat, qui nous en rend responsable contre toute vérité.
L’USM, seule organisation syndicale de magistrats présente à ce CSA ministériel, avait déjà dénoncé ces outrances le 4 mars dernier (voir notre déclaration liminaire) et demandé si Unité Magistrats FO, membre de FO justice, était solidaire de ces attaques contre les collègues. Nous avons dû à nouveau répondre seuls aux attaques contre les magistrats de la part de FO justice.
Vous pouvez compter sur notre détermination pour continuer à vous défendre et à porter une position équilibrée mais ferme dans la défense de l’institution judiciaires et de ceux qui la servent.
Voici la déclaration liminaire qui a été lue au CSA ministériel par Aurélien Martini :
Monsieur le ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice,
Chaque mois qui passe repousse le record du nombre de détenus dans les prisons françaises. La surpopulation carcérale est à la fois une indignité, un instrument de la récidive, une détérioration des conditions de travail des agents pénitentiaires et un échec des politiques publiques judiciaires.
Les magistrats sont, c’est vrai, de plus en plus sévères : entre 2015 et 2023, le quantum d’emprisonnement ferme prononcé est passé de 8,2 mois à 10,2 mois. Entre 2022 et 2023, l’augmentation des peines fermes prononcées a été de l’ordre de 15 %. Cette situation est multifactorielle. Elle est notamment due au vote de textes plus répressifs, textes qu’appliquent les magistrats.
Les magistrats français si souvent brocardés pour leur laxisme n’incarcèrent pourtant pas moins que leurs voisins européens. Ils n’incarcèrent pas plus non plus puisque les derniers chiffres disponibles fournis par le conseil de l’Europe (Etude SPACE : Statistiques Pénales Annuelles du Conseil de l’Europe) montrent que la France a un taux d’incarcération de 106 pour 100.000 habitants alors que la médiane est à 107.
Les magistrats ne sont pas responsables de l’état du parc pénitentiaire. Il s’agit là d’une question politique qui relève d’une responsabilité politique.
A cet égard, nous aimerions connaître votre position car les dernières instructions reçues paraissent ambiguës.
Les procureurs généraux, placés sous votre autorité, ont ainsi demandé aux parquets de « maitriser la surpopulation carcérale » en « mettant en attente certains écrous » selon les critères de priorisation de la politique pénale générale du ministère ou « en reportant les mises à l’écrou » dès lors que la condamnation ne porte pas sur des faits correspondant aux mêmes priorités
Il nous a également été rapporté que les procureurs, de même que les chefs de cour du parquet comme du siège, avaient été à plusieurs reprises sensibilisés par votre administration sur la nécessité de favoriser les libérations et de réduire les incarcérations.
Sans évoquer ici le fond de telles demandes, l’USM rappelle une fois de plus que les responsabilités doivent être prises aux bons niveaux. Les magistrats ne sont pas comptables de la surpopulation carcérale et si l’autorité politique entend prioriser les écrous, il lui incombe de le dire clairement en donnant des instructions écrites en ce sens.
Les magistrats attendent une position gouvernementale lisible. Ils ne sont pas responsables des choix politiques de ces trente dernières années.
L’USM sait la difficulté pour l’autorité politique de concevoir une politique pénitentiaire ambitieuse, dans un cadre digne, alliant probation et enfermement, pour lutter efficacement contre la récidive. L’USM s’efforce de faire œuvre de pédagogie sur ces sujets à l’endroit de nos concitoyens. Mais la lutte contre la délinquance est complexe et ne se règlera pas à court terme ou par un seul texte. Nous tentons donc de rappeler cette complexité et cette nécessité du temps long, sans idéologie ou parti pris partisan, parce que c’est notre ligne de conduite, notre mission et notre devoir.

