La réduction des délais ou la pensée magique !

14 février 2024

Lors du CSA ministériel du 13 février 2024, il a été question des perspectives RH ministérielles pour 2024 et de l’organisation des services et des juridictions durant les Jeux olympiques et paralympiques.

Concernant les perspectives RH, de nombreux accords sont en cours de négociation et/ou de finalisation avec l’ensemble des organisations, comme :

  • celui sur l’égalité professionnelle femmes/hommes, le premier accord ayant été signé le 20 janvier  2020,
  • celui sur la qualité de vie et les conditions de travail (ici)
  • celui sur la protection sociale complémentaire : lire notre présentation rapide de la PSC ici.

L’USM y participe sans faille et activement. Si ces négociations sont particulièrement chronophages, ces accords, pourtant utiles, ne suffiront pas à résoudre les difficultés de notre institution au quotidien. Le ministère continuera de travailler à un plan sur l’attractivité et la fidélisation des personnels recrutés avec l’ambition affichée de + 10 000 recrutements d’ici 2027. Le millefeuille des métiers créé par l’empilement de réformes et de statuts diverses sans grande cohérence ces dernières années nécessite en effet une réflexion aboutie à laquelle nous participerons. 

S’agissant des JO, si les 14 juridictions impactées semblent avoir bien anticipé et élaboré des plannings adaptés tenant compte à la fois des congés de tous les personnels et du surcroît prévisible de l’activité, peu de réponses nous ont été données quant à l’attribution des primes, allant de 500€ à 1500€, négociées en interministériel et qui doivent bénéficier à tous les personnels de justice, magistrats inclus. Une note sur les critères d’attribution serait à l’étude devant l’insistance des organisations syndicales à ce sujet, afin d’éviter de renouveler les errements rencontrés lors de l’attribution des primes Covid. L’USM a indiqué qu’une lisibilité était très attendue. 

Enfin, nous n’avons pas manqué de dénoncer l’impératif de la réduction des délais par deux d’ici 2027, tel que fixé par le Président de la République lors de la prestation de serment des auditeurs de justice à Bordeaux le 9 février dernier, au prétexte que les citoyens nous l’imposeraient (sic), feignant d’ignorer d’une part que les moyens certes importants alloués ces trois dernières années n’étaient pas encore arrivés dans les juridictions (les effectifs doivent être recrutés et formés), d’autre part que ces moyens restent largement en-deçà des besoins (voir notre article sur le bilan des 2 ans de travaux menés par le groupe de travail sur la charge de travail des magistrats, encore en cours).

Si le garde des Sceaux a repris cette formule, dans la droite ligne de ce qu’il n’a cessé de marteler depuis l’augmentation des budgets, nous maintenons quant à nous notre position affirmée à plusieurs reprises, et notamment lors de notre dernière bilatérale avec le garde des Sceaux (compte-rendu ici) : 30 années d’abandon ne seront pas effacées par l’arrivée de 10% d’effectifs supplémentaires. On ne saurait exiger encore des personnels de justice qu’ils sacrifient tant la qualité de la justice rendue que leur santé : soyons clairs une nouvelle fois, cet « objectif impératif » est évidemment inaccessible. Continuer de prétendre le contraire relève de la pensée magique ; les citoyens qui constatent au quotidien l’état de délabrement de la Justice ne seront pas dupes.

Extrait de la déclaration liminaire (à lire intégralement ici) :

« Avant d’aller plus avant concernant les perspectives de reconnaissance et de conditions de travail, l’UNSa Justice et l’USM souhaitent attirer votre attention sur les récentes déclarations du président de la République ainsi que sur le contexte actuel de nos établissements pénitentiaires, qui souffrent d’une surpopulation pénale endémique record.

En effet, le président de la République a affirmé que la réduction par deux des délais de jugement n’était pas un objectif mais un impératif. C’est mal connaître l’état des juridictions françaises et de ceux qui les servent. Une hausse récente du budget ne permettra évidemment pas de réduire les délais par deux d’ici la fin du quinquennat.

Comme vous le dites fréquemment, monsieur le ministre, on ne répare pas 30 ans d’abandon en 3 ans. Si vous voulez diviser les délais par deux, doublez donc les effectifs ! Dans quelle autre structure, une hausse de 10 % des personnels peut conduire à une réduction des délais de traitement par deux ? Cet « objectif impératif » est évidemment inaccessible. »