Le garde des Sceaux vient de présenter un projet de loi visant à assurer une sanction utile, rapide et efficace (à consulter ici).
L’USM est intervenue dans les médias (RTL, BFM, Europe 1, TF1 …) pour rappeler les points suivants
Si nous partageons certains constats du projet, notamment quant aux délais de traitement des dossiers criminels, nous regrettons que la cause principale en soit occultée. Car si la justice criminelle va « dans le mur », pour reprendre les termes du procureur général près la Cour de cassation, c’est bien du fait de l’insuffisance notoire des effectifs de notre ministère, résultat de 30 ans d’abandon de la justice par les pouvoirs publics.
Il faut donc impérativement poursuivre sur le long terme une politique de recrutement ambitieuse, seule à même de permettre la réduction significative des délais. Réformer une nouvelle fois la procédure pénale sans s’attaquer aux maux véritables de notre institution ne résoudra pas la crise de confiance envers la justice et ne fera que complexifier une matière qui a besoin de stabilité.
✔️ S’agissant des mesures proposées, nous avons notamment indiqué :
→ notre opposition à la réforme – inutile – des conditions d’octroi du sursis simple ainsi qu’à la suppression de la dispense et de l’ajournement de peine, mesures opportunes dans certains dossiers ;
→ notre opposition à la suppression de l’article 723-15 du code de procédure pénale, l’état du parc pénitentiaire ne permettant pas d’absorber un afflux de mandats ;
→ le risque d’inconstitutionnalité de l’exclusion du bénéfice d’un aménagement de peine des personnes faisant l’objet d’une interdiction administrative ou judiciaire du territoire ;
→ notre opposition aux ultra-courtes peines d’emprisonnement, dont l’efficacité n’a jamais été démontrée pour lutter contre la délinquance et la récidive, ainsi qu’au regard de l’état du parc pénitentiaire.
✔️ Sur la demande d’habilitation pour légiférer par ordonnance pour refondre l’échelle des peines et instaurer des peines minimales, nous sommes dubitatifs quant à la procédure légistique proposée qui verrouillera le débat parlementaire.
✔️ Sur la justice criminelle, nous avons rappelé avoir averti les parlementaires et le gouvernement, en vain, sur l’impossibilité d’absorber à moyens constants la généralisation des cours criminelles départementales (relire ici la note remise à la mission d’information parlementaire le 08 avril dernier et notre communication « CCD chronique d’un échec annoncé »).
Afin de remédier à l’embolie des CCD, nous ne sommes cependant pas opposés à la possibilité de recourir plus largement aux avocats honoraires ayant des fonctions juridictionnelles, aux magistrats honoraires et aux magistrats à titre temporaire, ce qui nécessite un budget conséquent qui fait actuellement cruellement défaut. Aligner le délai de comparution des accusés détenus devant la CCD sur celui de la cour d’assises nous apparaît également opportun.
Mesure sans doute la plus controversée, le projet de texte du ministre prévoit également la création d’un plaider coupable criminel intitulé « audience criminelle restaurative ».
S’il est difficile en l’état d’un projet non décliné de manière juridique d’apporter un éclairage technique, l’USM souhaite rappeler son opposition à un « plaider-coupable » calqué sur la CRPC correctionnelle. La justice criminelle telle qu’elle existe actuellement est fondamentale dans le fonctionnement de notre institution car elle permet un temps de parole adapté à la gravité des faits pour l’ensemble des parties. Néanmoins, compte tenu des enjeux liés aux délais de jugement, l’USM est prête à discuter des voies explorées par le rapport de la mission dédiée à l’audiencement criminel.
En conclusion, et quelle que soit l’issue du projet présenté par le garde des Sceaux, n’oublions pas que toutes les réformes doivent s’accompagner des moyens humains, matériels et informatiques nécessaires à leur mise en œuvre. A défaut, il s’agit au mieux de réformes incantatoires, au pire d’une étape dans l’attente de la suivante visant, face à l’implacable constat de la réalité judiciaire, à dégrader davantage notre fonctionnement ou nos principes procéduraux fondamentaux.