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La réforme pénale : plus dénaturée qu’améliorée par la commission des lois de l’Assemblée nationale
L’USM a pris connaissance des amendements adoptés par la commission des lois sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, débattu à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale.
L’USM rappelle qu’elle est favorable à de nombreuses dispositions de ce texte, tel qu’issu des arbitrages opérés l’été dernier.
Elle s’était réjouie de la suppression de mesures automatiques telles que les peines planchers ou la révocation automatique du sursis, contraires au principe d’individualisation des peines.
Elle avait milité pour que la contrainte pénale ne soit pas déconnectée de toute référence à l’emprisonnement et que la libération sous contrainte aux deux tiers de peine ne soit pas automatique comme envisagé initialement.
Elle avait enfin plaidé, et obtenu, que, dans la majeure partie des situations, seules les peines fermes inférieures à un an (et non deux comme c’est le cas depuis la loi pénitentiaire de 2009) puissent être aménagées.
Cependant, le projet d’origine, pragmatique, conforme en grande partie aux préconisations de l’USM et qui avait de ce fait permis d’obtenir un consensus Justice / Police assez large, a été largement amendé, et en grande partie dénaturé, par la commission des lois.
Certaines modifications répondent certes à des demandes de l’USM qui avait attiré l’attention du législateur sur les ajustements techniques nécessaires.
Ont par exemple été heureusement ajoutées l’obligation pour le juge d’application des peines de recueillir l’accord du condamné avant de lui imposer l’obligation d’effectuer un travail d'intérêt général et la possibilité d’entendre le détenu dont la libération sous contrainte est envisagée. L’article sur les modalités de sanctions en cas de non respect des obligations de la contrainte pénale a en outre été clarifié.
En revanche, certains amendements ont apporté des modifications que l’USM juge inacceptables.
Ainsi, l’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve est vidé de sa substance au profit de la contrainte pénale, imposant au juge de prononcer une contrainte pénale pour soumettre le condamné à l’obligation de travailler ou de se soigner.
Des transferts de compétence du procureur vers le Conseil départemental de prévention de la délinquance et l’état-major de sécurité sont organisés. Ils privent de façon scandaleuse le procureur de la maitrise de la politique pénale sur son ressort et exposent dangereusement les condamnés à la révélation à l’opinion publique de leur situation personnelle.
Les officiers de police judiciaire se voient en outre reconnaitre le droit de recourir à la géolocalisation ou à des écoutes téléphoniques lorsqu’une personne sortie de détention sera soupçonnée de ne pas respecter une interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes, ce qui apparait comme une atteinte tout à fait excessive à la vie privée et se révèle en contradiction avec les dispositions protectrices récemment adoptées.
Enfin, les seuils de peines aménageables restent variables, de un à deux ans, selon la situation du condamné (détenu ou libre), le moment et le type d’aménagement envisagé. S’il a été heureusement mis fin à la différence entre les récidivistes et les primo-délinquants, ainsi que le souhaitait l’USM, les nouvelles distinctions introduites ne sont pas acceptables et ajoutent de la complexité là où la clarté est indispensable.
L’USM dénonce les évolutions néfastes d’un texte à l’origine équilibré.
Elle demande que la lisibilité et la cohérence du texte soit restaurée lors des débats en séance publique, sans démagogie, ni dogmatisme.
L’USM considère de façon plus générale qu’au-delà des textes, c’est de moyens dont la Justice a besoin pour traiter dans de meilleures conditions les problématiques de récidive et de délinquance.
Elle appelle à ne pas reproduire les errements de la loi pénitentiaire de 2009 qui, votée à l’unanimité, et reposant sur des principes largement répandus en Europe qui ont montré leur pertinence, a échoué dans la lutte contre la délinquance faute de moyens suffisants pour l’appliquer.
Elle demande donc aux parlementaires de sortir des postures politiciennes pour aborder sereinement les vraies questions, au premier rang desquelles devront nécessairement figurer le budget de la Justice et les effectifs de magistrats et fonctionnaires de Justice.