Le conseil lecture de Virginie Duval, présidente d’honneur de l’USM.
Ancien greffier en chef, Gérard Morel est depuis plus de 25 ans magistrat ; après une brève incursion par le parquet de Nancy, il a rejoint le siège et la région parisienne. Aujourd’hui, sa plume et ses qualités sont tournées vers les justiciables du service civil du tribunal judiciaire de Pontoise.
Mais pas seulement… Car dans son ancienne vie, Gérard Morel a été prête-plume pendant une quinzaine d’années : il écrivait les autobiographies des « people », chanteurs, acteurs, politiques (et même une actrice X !)… L’amatrice d’histoires croustillantes que je suis est un peu frustrée de sa discrétion mais c’est ainsi : je ne pourrais pas vous donner de noms !
Gérard Morel aime écrire. Le naturel ne se chasse pas facilement et il ne se contente pas de ses jugements ; il n’a donc pas cessé de noircir du papier et de publier, surtout des romans (historiques ou policiers), sous sa véritable identité depuis qu’il n’est plus prête-plume mais magistrat.
C’est sous celle-ci qu’il publie son dernier livre « Ces femmes qui tuent ». L’histoire de treize empoisonneuses, d’Agrippine à Marie Besnard, en passant par « la Voisin » ou la Marquise de Brinvilliers.
Pourquoi un tel thème ? Gérard Morel rappelle que l’empoisonnement a longtemps été considéré comme un crime spécifiquement féminin – les hommes ayant d’autres moyens d’éliminer leurs ennemis, à la guerre ou en duel, y compris en y trouvant un certain prestige. Cette particularité de l’empoisonnement l’intéresse. Et je dois dire qu’il embarque le lecteur avec lui sur ce thème peu conventionnel.
Il nous accompagne vers la découverte – ou redécouverte – de la vie de ces femmes qui sont passées à l’acte, souvent en usant du poison parce que c’était la seule arme dont elles disposaient, dans les cuisines où elles étaient reléguées (et où la présence de rongeurs imposait d’avoir toujours de la mort-aux-rats, c’est à dire de l’arsenic !).
Son empoisonneuse « préférée » ? Giulia Toffana, qui vivait en Sicile à la Renaissance dont il considère qu’elle a conçu une forme d’idéologie féministe : refusant de se marier, elle a conquis son indépendance en tant qu’apothicaire et élaboré un poison indétectable pour la médecine de l’époque. Des femmes battues ou trompées par leur mari ont pu utiliser ce funeste « traitement »… mais Giulia Toffana refusait d’aider les hommes, de même que les femmes qui souhaitaient éliminer une rivale ou un parent dont elles espéraient hériter.
La mienne ? – si tant est qu’on puisse évoquer une « empoisonneuse préférée » ! – Hélène Jegado, petite morbihannaise du 19ème siècle, sans repères familiaux ni cadres, vouée à servir et cuisiner. Méprisée par tous ou invisible, elle n’a pas attiré les soupçons (ou alors les soupçonneux ont vite été réduits à néant par de nouveaux crimes) malgré tous les morts parmi ses employeurs et leur famille… Elle a fini par être jugée, quelques jours après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Les mobiles de ses empoisonnements sont difficiles à cerner, incompréhensibles, même. C’était une autre époque, où l’assistance éducative n’existait pas, ni les logiciels de recoupements d’informations !
Un soupçon d’Histoire, une pointe d’humour, une noix d’amour, une dose de voyage dans le temps judiciaire, un mélange de vies brisées et de vénalité, outre quelques autres ingrédients dont Gérard Morel garde le secret… voici les éléments d’un livre qui ne vous empoisonnera pas ! À lire, avec plaisir.