L’USM a adressé hier, 17 décembre 2025, une lettre ouverte au garde des Sceaux pour l’interpeller sur son tweet public publié sur son compte officiel « X » et exprimant son soutien à un élu du Nord récemment condamné en appel.
Il ne suffit pas de prétendre commenter en aucune manière une décision de justice pour ne pas le faire.
L’USM rappelle l’incongruité institutionnelle, pour un garde des Sceaux en exercice, d’apporter un « soutien » public à quelque justiciable que ce soit à l’issue d’une décision de justice.
L’USM continuera à dénoncer le mélange institutionnel des genres, d’où qu’il vienne, car nous l’estimons démocratiquement dangereux et, à tout le moins, inquiétant et critiquable.
Vous trouverez ci-après le contenu de notre lettre ouverte :
Lettre ouverte
Paris le 17 décembre 2025.
Monsieur le garde des Sceaux,
L’USM a pris connaissance avec consternation de votre tweet du 16 décembre 2025, publié sur votre compte officiel, assurant de « votre soutien », sans pour autant « commenter d’aucune manière une décision de justice », un élu du nord récemment condamné en appel.
L’USM, apartisane, n’a pas vocation à commenter les actions politiques des élus de la nation ou des ministres de la République, hormis les attaques portées contre l’institution et ceux qui l’incarnent ou de comportements susceptibles de constituer des atteintes à l’Etat de droit, dont l’indépendance judiciaire.
En l’espèce, nous sommes convaincus, et pour reprendre les mots de votre prédécesseur, que le ministre de la Justice se trouve dans une position institutionnelle très particulière pouvant être ainsi résumée : « Être garde des Sceaux, c’est aussi ne pas pouvoir s’exprimer publiquement dans un grand nombre de cas – contrairement à d’autres membres du Gouvernement qui, plus éloignés de la Justice, peuvent s’y sentir davantage autorisés – et donc garder pour soi ses opinions, ses réactions, ses émotions, car la neutralité, l’impartialité et l’indépendance de la Justice doivent primer par-dessus tout ».
Le Conseil supérieur de la magistrature vient de rendre publique la Charte des obligations déontologiques des magistrats, qui aborde notamment les problématiques de l’expression des magistrats sur les réseaux sociaux et de l’IA. La Charte rappelle que « l’usage des réseaux sociaux expose le magistrat à un risque accru de mise en cause ou de médiatisation de ses décisions, de ses déclarations ou de son comportement, ce qui doit l’inciter à un surcroît de vigilance quant au respect de ses obligations déontologiques » (198).
Bien évidemment le ministre de la Justice n’est pas tenu par les obligations déontologiques des magistrats mais dirigeant l’action des magistrats du ministère public, déterminant les politiques publiques prioritaires et incarnant pour nos concitoyens les vertus attendues de notre institution, il nous apparait qu’il ne peut totalement les ignorer.
Dès lors, il nous semble institutionnellement problématique, pour un garde de Sceaux en exercice, d’apporter son « soutien » public à quelque justiciable que ce soit à l’issue d’une décision de justice.
Ce positionnement est tout simplement incompréhensible pour les magistrats et fonctionnaires de votre ministère qui œuvrent au quotidien, dans des conditions difficiles et sous le feu de critiques souvent partisanes et injustes, à rendre la justice et appliquer les lois votées par la représentation nationale.
Vous nous avez récemment rappelé à l’occasion de divers échanges épistolaires être comptable en qualité de chef d’administration du bon fonctionnement du service public de la Justice.
Il nous apparait que les hautes responsabilités d’un chef d’administration devraient le préserver d’un telles pratiques de communication sur les réseaux sociaux relevant d’un mélange des genres que nous estimons démocratiquement dangereux ou, à tout le moins, critiquable ».

