Menaces sur l’indépendance de la justice en Italie

10 novembre 2025

La rapporteure spéciale à l’ONU alerte.

Le 23 octobre 2025, la Rapporteure spéciale sur l’indépendance des magistrats et des avocats à l’ONU a écrit au Gouvernement italien à propos d’un projet de réforme constitutionnelle présenté le 29 mai 2024, modifiant les articles 102, 104 et 105 de la Constitution italienne, qui définissent l’organisation du pouvoir judiciaire.

Derrière la déclaration d’intention du gouvernement italien d’améliorer l’impartialité, d’éviter les conflits d’intérêts et de renforcer la confiance du public, la Rapporteure spéciale exprime ses préoccupations au regard des normes internationales relatives à l’indépendance de la justice.

Lisez ici le courrier dans son intégralité.

Retrouvez aussi ici la tribune de Ludovic Friat, président de l’USM, relayant les propos du procureur général Rémy Heitz à l’occasion de l’audience solennelle de la Cour de cassation, qui appelait de ses vœux, de manière pressante, la réforme constitutionnelle du statut du parquet dans le contexte de la multiplication des régimes dits « illibéraux ».

Dans cette lettre du 23 octobre 2025, la rapporteure spéciale examine différents aspects du projet de réforme constitutionnelle italien.

1. Séparation des carrières au siège et au parquet

Le projet sépare définitivement les carrières des juges et des procureurs, empêchant les passages d’une carrière à l’autre.

Il crée deux Conseils supérieurs distincts.

La Rapporteure met en garde contre le risque que cette séparation :

  • affaiblissement de l’indépendance du ministère public,
  • risque de pressions externes accrues sur les juges et les procureurs.

Elle insiste sur la nécessité de préserver une composition du CSM garantissant l’indépendance, notamment une majorité de magistrats élus par leurs pairs, conformément aux standards européens.

2. Nouveau système de sélection par tirage au sort

Le projet introduit un tirage au sort pour une partie des membres des nouveaux Conseils.

SI le processus manque encore de détails, pour la Rapporteure, ce mécanisme :

  • réduit la légitimité démocratique des Conseils,
  • affaiblit le rôle des pairs dans la sélection,
  • ne garantit pas la compétence, l’intégrité et l’indépendance requises.

3. Création d’une Haute Cour disciplinaire

Le projet retire aux Conseils supérieurs leur compétence disciplinaire et crée une Haute Cour disciplinaire de 15 membres.

Les appels seraient examinés par cette même Cour, plutôt que par la Cour de Cassation.

Elle juge ce point très préoccupant, car :

  • l’absence d’un organe d’appel indépendant viole les standards internationaux,
  • cela pourrait porter atteinte à l’indépendance judiciaire.

4. Rappel des normes internationales

La lettre rappelle :

  • Le droit à un procès équitable et à un tribunal indépendant et impartial.
  • Les principes fondamentaux sur l’indépendance des juges et le rôle des procureurs.
  • L’importance de :
    • procédures de nomination non politiques,
    • d’une sélection fondée sur le mérite, l’intégrité et la compétence,
    • garanties de réexamen indépendant des sanctions disciplinaires.

5. Questions adressées au gouvernement italien

La Rapporteure demande au gouvernement italien :

  • Tout commentaire ou information supplémentaire sur la réforme.
  • Comment les amendements garantissent la conformité avec les obligations internationales de l’Italie.
  • Quelles mesures ont été prises pour revoir la réforme à la lumière de ses observations.

    En conclusion, elle invite le gouvernement italien à revoir attentivement le projet afin de renforcer, et non affaiblir, l’indépendance de la justice.
    Elle réaffirme sa disponibilité pour un dialogue technique.