L’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) traverse actuellement une phase de transformation marquée par la hausse très conséquente des effectifs, des contraintes budgétaires et une ouverture croissante vers d’autres professions du droit.
Déjà en 2021, les Etats généraux de la Justice (EGJ) appelaient à une réforme d’ampleur de notre école. Un rapport d’audit « orientations stratégiques ENM 2030 » réalisé par un cabinet privé dans la suite des EGJ préconisait une ouverture vers les autres professions du droit et le recrutement de personnels non-magistrats pour former nos futurs collègues.
Nous avions, dès ce moment-là, fait part de nos craintes quant à une atteinte à l’identité de l’école et la nécessité que l’ENM reste une école d’application pour les magistrats formés par des magistrats : relire ici notre article « ENM, péril en la demeure ».
Lundi 22 septembre dernier, s’est tenu un conseil d’administration extraordinaire de l’ENM pour statuer sur le « Contrat d’Objectifs et de Performance 2025/2027 » (COP) établi par la direction de l’ENM conjointement avec la DSJ.
La lecture de ce COP (qui nous a été transmis seulement 5 jours avant le conseil d’administration) a renforcé nos craintes. Il y était clairement évoqué « une réflexion sur la création d’un tronc commun de formation initiale pour élèves avocats et magistrats » et un axe entier du projet était intitulé « Axe Opérationnel 1 : Renforcer les formations interprofessionnelles au sein des réseaux judiciaires et les échanges avec la profession d’avocat ».
Si nous saluons l’ouverture de la formation initiale sur la société, elle doit rester essentiellement centrée sur la technicité du métier de magistrat et garantir une ouverture envers toutes les professions partenaires, préservant le respect d’une équidistance à l’égard de tous les collaborateurs et auxiliaires de justice.
Par courrier du 18 septembre 2025 adressé aux Président et Vice-Président du conseil d’administration (et diffusé à tous les membres), nous avons formalisé nos observations, oppositions et lignes rouges (lire notre courrier ici).
Les débats devant le conseil d’administration ont permis d’obtenir certaines précisions concernant le « tronc commun avec les élèves avocats », lequel ne serait qu’au stade de l’ébauche et consisterait essentiellement à intégrer les ADJ sur certains modules de déontologie dispensés dans les CRFPA, durant le stage avocat. Sans revenir sur la pertinence pour les ADJ de suivre ces modules et sur les questions pratiques que cela soulève (notamment en termes de défraiement de déplacement des ADJ), nous avons exprimé nos craintes en l’absence de précision quant au contenu de ce « tronc commun » et regretté l’ambigüité qu’il contient.
Le conseil d’administration, en accord avec nos observations, a modifié la formulation décriée lui préférant le terme « module ».
Dans un contexte budgétaire contraint, le premier défi de l’ENM est de pouvoir former les promotions historiques d’ADJ et magistrats stagiaires, ainsi que les membres de l’équipe autour du magistrat, et non de permettre à des écoles privées de bénéficier de ressources publiques de l’école sans contrepartie.
Le contrôle mené par la cour des comptes depuis fin 2024 dont le rapport est attendu prochainement, peut de nouveau conduire à des réformes.
Il importe de rester vigilant sur les orientations données à notre école d’application, décrite et reconnue comme une école d’excellence.