Le risque disciplinaire dans une justice sous tension

2 décembre 2025

Le risque disciplinaire pour les magistrats s’accroît dans un contexte de pressions politiques et de conditions de travail dégradées. Le nombre de décisions disciplinaires du CSM a plus que doublé en 2022 (15 contre 6 en moyenne les années précédentes), touchant aussi des magistrats n’ayant commis aucune faute caractérisée.

L’USM, pionnière dans la création d’une assurance de responsabilité civile professionnelle proposée à ses adhérents par le truchement de l’adhésion à un contrat de groupe signé entre l’USM et la MMA, a également développé une expertise précieuse en matière d’assistance des collègues tout au long de la procédure disciplinaire, que ce soit en infra-disciplinaire devant les chefs de Cour que devant l’inspection générale de la justice ou devant le CSM.

Toute procédure disciplinaire est longue et particulièrement éprouvante pour les magistrats mis en cause, quelle qu’en soit l’issue.

Constat général

Le nombre de décisions disciplinaires du CSM a plus que doublé en 2022 et 2023 par rapport aux années précédentes, touchant parfois des magistrats n’ayant commis aucune faute caractérisée. Le nombre de plaintes de justiciables a considérablement augmenté en 2023 et 2024, source d’insécurité et d’angoisse pour les collègues concernés alors que les critères de saisine du CSM sont souvent incompris des justiciables, qui s’imaginent trouver dans le CSM une nouvelle voie de réformation de décisions qui leur déplaisent.

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Plaintes des justiciables327324307377280498460
Décisions disciplinaires du CSM267615115

Évolutions inquiétantes

  • une utilisation parfois détournée de la procédure disciplinaire (ex. affaires du PNF et de Monaco) : retrouvez nos communiqués de presse concernant ces procédures ici et ici.
  • des poursuites liées à la surcharge de travail : retards ou omissions d’actes dans des contextes de moyens insuffisants.
  • un champ des obligations déontologiques très large (indépendance, impartialité, délicatesse, etc.), permettant des interprétations extensives, notamment sur la notion de manquement au devoir de délicatesse.

Les juges d’instruction, particulièrement exposés au risque disciplinaire :

Décision du 25 avril 2022 : l’audience disciplinaire vire au procès de l’institution judiciaire ; aucune sanction n’est prononcée, le CSM reconnaissant des délais excessifs dus à un cabinet surchargé.

Décision du 15 septembre 2022 : au terme d’une affaire qui a défrayé la chronique concernant un collègue qui a été assisté par l’USM tout au long de la procédure disciplinaire, le Conseil supérieur de la magistrature a affirmé que l’obligation de réserve ne saurait servir à réduire un magistrat au silence ou au conformisme.

Décision du 20 avril 2023 : absence de sanction pour absence d’audition formelle des parties civiles, le CSM tenant compte des contraintes structurelles du cabinet.

Le CSM, un organe constitutionnel fragilisé ?

  • une composition du CSM depuis 2010, loin des standards européens : majorité de membres nommés par le pouvoir politique, éloignement des standards européens qui recommandent une majorité de juges élus par leurs pairs ;
  • un refus en France de reconnaître un « pouvoir judiciaire », ce qui fragilise l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, fondement de la démocratie;
  • des modes de saisine du CSM élargis (plaintes de justiciables, inspections administratives) et une frontière de plus en plus floue entre faute disciplinaire et acte juridictionnel.

Caractéristiques de la procédure disciplinaire :

  • faute définie de manière vague (« manquement aux devoirs de son état… ») ;
  • saisine in personam : examen possible de toute la carrière du magistrat, parfois très loin du motif initial de saisine ;
  • extension des motifs de saisine, notamment par les justiciables ;
  • droits de la défense renforcés grâce à l’USM (assistance d’un avocat ou pair), mais absence de protection fonctionnelle : frais à la charge du magistrat. Pas de réelle voie de recours, seulement limitée au Conseil d’État.

Position et actions de l’USM

L’USM :

  • revendique un CSM composé majoritairement de magistrats
  • dénonce l’usage politique ou médiatique des poursuites disciplinaires ;
  • défend ses adhérents à toutes les étapes de la procédure ;
  • propose une assurance pour couvrir les frais d’avocat (plafond 70 000 €).

Avec un effet dévastateur des procédures disciplinaires : même blanchis, les magistrats sortent meurtris, fragilisés et parfois avec leur carrière compromise.

Pour aller plus loin : lire notre newsletter ici mais aussi le  chapitre 7 du guide « Magistrats : vos droits » de l’USM pour plus de précisions sur la procédure disciplinaire.