Repenser la lutte contre la criminalité organisée

28 mars 2024

La teneur des propos exprimés par nos collègues marseillais devant la commission sénatoriale pour dénoncer une guerre asymétrique entre l’Etat et les trafiquants, n’a été une surprise que pour ceux qui ignorent ces réalités ou ne veulent pas les voir. Loin d’être étonnants, ils sont l’affirmation du danger majeur pour notre démocratie que constituent le crime organisé et les réseaux mafieux. D’autres pays proches de nous (la Belgique et les Pays-Bas) paient cher leur absence de réaction face à la montée en puissance des groupes criminels. L’Italie quant à elle a payé du sang de policiers et magistrats l’emprise de la mafia avant de prendre des mesures.

Il est temps de réagir !

L’USM appelle au nécessaire renforcement de la lutte contre la criminalité organisée et soutient l’appel au secours des magistrats marseillais : lisez notre message de soutien et notre communiqué de presse ici.

La progression spectaculaire des groupes criminels et la montée de la violence imposent un autre dimensionnement des moyens de la police et de la justice. Le volume des affaires criminelles de haute intensité a crû. Il est donc impératif que les moyens pour lutter contre la criminalité organisée soient en adéquation. En effet, nulle réforme législative ne peut être efficace sans une prise de conscience aigüe et sans des moyens adéquats pour traiter les dossiers et obtenir des résultats. Il faut des magistrats en nombre suffisant et spécialisés sur ces questions mais également des enquêteurs formés et dédiés maîtrisant tous les aspects de l’enquête, notamment le volet patrimonial et la coopération internationale.

Ce préalable étant posé, plusieurs évolutions législatives peuvent être envisagées :

  • repenser le statut du repenti ;
  • élargir le champ des cours d’assises spéciales, voire des cours criminelles départementales, dans le domaine de la criminalité organisée ; peut-être faudrait-il également se pencher sur le régime carcéral des condamnés à ce type d’infraction afin de casser la direction des réseaux une fois les intéressés incarcérés ?
  • repenser l’infraction d’association de malfaiteurs ; l’exemple italien, pays de tradition juridique proche et soumis aux mêmes exigences européennes, mérite d’être exploré, notamment en ce qu’il prévoit l’association de malfaiteurs de nature mafieuse (article 416 bis du code pénal italien) ;
  • renforcer l’arsenal judiciaire permettant de sanctionner plus efficacement la destruction de preuves ainsi que la violation du secret de l’enquête ;
  • mettre la lutte contre les aspects financiers de cette criminalité au cœur des priorités car il ne s’agit pas seulement de sanctionner des individus, mais de détruire des organisations dont l’objectif ultime est de supplanter l’Etat.

Gardons-nous de toute naïveté en ce domaine. La protection de nos droits et libertés ne pourra être effective dans un pays où l’emprise mafieuse est telle qu’elle corrompt plusieurs pans de la société, dirige l’économie réelle, intervient sur le cours des élections et fait régner l’insécurité. Nous n’en sommes heureusement pas encore là. Il faut donc réfléchir sérieusement et rapidement aux mesures adéquates pour éviter de connaître un jour une telle situation.

Ces réflexions n’empêchent pas, au contraire, de prendre également en compte les problématiques de santé publique et de désinsertion sociale rencontrées par certains consommateurs de stupéfiants en prise à une addiction.